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Comment concevoir un produit accessible et inclusif ?

Anne-Lise

Product Manager

Inclusivité et Accessibilité : Quelle différence ?

Saviez-vous que l’accessibilité est étroitement liée à l’inclusivité ?  L’accessibilité vise à créer un environnement, un outil ou un service qui puisse être utilisé par une personne en situation d’handicap. L’inclusivité quant à elle vise à inclure tout le monde. On veut favoriser la participation de tous indépendamment de leur genre, orientation sexuelle, origine, religion, handicap, âge ou toute autre forme de discrimination.  

Dans la conception de produits digitaux, on parle plus souvent d’accessibilité que d’inclusivité. Notamment car de nombreuses normes et réglementations ont été mises en place pour faciliter le quotidien des personnes en situation de handicap. Ces handicaps peuvent prendre différentes formes et entraîner des besoins d’utilisation et de navigation spécifiques.

  • Déficience visuelle : cela n’englobe pas que les personnes avec une cécité partielle ou complète mais également d’autres troubles comme le daltonisme.
  • Déficience auditive : les personnes qui ont un handicap auditif tel que la surdité partielle ou complète.
  • Déficience du système nerveux : cela englobe de nombreux handicaps avec des symptômes très différents tels que l’épilepsie, la maladie d’Alzheimer ou encore la maladie de Parkinson.
  • Déficience cognitive : les personnes qui ont des troubles cognitifs. Par exemple les troubles de l’apprentissage et de la compréhension.
  • Déficience motrice : les personnes qui ont un handicap moteur et qui ont donc des difficultés ou impossibilité à utiliser certains membres du corps (les mains par exemple).

L’accessibilité et l’inclusivité sont donc étroitement liées et partagent un but commun : ne pas exclure.

Pourquoi créer un produit accessible et inclusif ?

S’adresser à un panel plus large

En 2021, une personne sur sept (de 15 ans ou plus) est handicapée. Un produit non accessible exclut donc 14% de la population. Pour compléter ce chiffre, en 2020 c’est 25% de la population française qui a plus de 65 ans (source : Rapport du gouvernement). Ce sont des personnes qui sont également concernées par l’accessibilité, particulièrement à une époque où beaucoup de démarches sont à faire en ligne.

Ne pas prendre en compte ces personnes dès la phase de conception peut avoir deux principales conséquences :

  • Une mauvaise expérience utilisateur créée par un parcours plus long et laborieux. Alors que certains continueront malgré tout leur navigation par manque de meilleure alternative ou résignation, d’autres pourraient se diriger vers une alternative qui répond mieux à leurs besoins.
  • Une impossibilité d’utiliser le produit. Cela peut être causé par différents facteurs tel qu’un mauvais contraste qui empêche la lecture ou une navigation non compatible avec une technologie d’assistance. Dans ces cas-là, pas d’alternative possible : le prospect ne peut pas utiliser le produit.

Le manque d’inclusivité d’un produit quant à lui impacte directement l’expérience utilisateur. Comme pour l’accessibilité, cela peut entrainer une perte de temps, une mauvaise image de marque voire un manque de sécurité dans certains cas.

On retrouve de manière récurrente 2 biais avec des exemples qui sont assez parlants :

  • Des technologies pensées pour des hommes blanc. Savais-tu que les reconnaissances vocales sont plus juste pour les hommes blancs que pour les femmes et minorités ? Chez certains fabricants des écarts de 13% ont été constatés (source : Harvard Business Review). On retrouve ce biais dans beaucoup d’autres domaines : les ceintures de sécurité qui sont testées uniquement sur des mannequins avec une morphologie masculine ou encore des smartphones avec des écrans conçus pour une main d’homme.
  • Des standards qui ne reflètent pas les individualités. Les mentalités évoluent lentement sur ce sujet. On continue pourtant à retrouver une majorité de mannequins blanches, minces et grandes dans la mode et les publicités. Cela peut impacter directement les ventes d’un site e-commerce car les utilisatrices n’arriveront pas à s’identifier aux modèles.

Des contraintes légales

En France, l’article 47 de la loi du 11 février 2005 ainsi que le décret d’application du 24 juillet 2019 encadrent l’accessibilité numérique. Cela concerne les organismes publics et les entreprises privées dépassant 250 millions d’euros de chiffre d’affaires. Pour mesurer la conformité des sites web et applications mobile, on va s’appuyer sur le RGAA (Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité) et ses 106 critères.

Quand on parle d’accessibilité, on entend également beaucoup parler des Etats-Unis et de leur loi ADA (Americans with Disabilities Act). Son objectif est de s’assurer que toutes les personnes en situation de handicap aient les mêmes droits que n’importe qui et ce dans tous les domaines (école, transport, emploi…). L’ADA fait beaucoup parler pour ces sanctions records qui ont été appliquées par le tribunal. C’est donc un gros point de vigilance à avoir lorsqu’on travaille sur un produit qui doit être déployé aux Etats-Unis.

H3 - Un atout pour le SEO

Est-ce que tu savais qu’en améliorant l’accessibilité de ton produit tu avais de fortes chances d’améliorer ton référencement naturel ? C’est un petit plus non négligeable, surtout quand on sait l’importance du SEO dans le Product Management. L’accessibilité et le SEO servent des objectifs différents mais quand on regarde les recommandations de plus près, on retrouve de nombreux points communs. Comme :

  • Avoir un code HTML propre
  • Adopter une structure Hn
  • Utiliser les balises Alt
  • Avoir une navigation simple et claire

Comment concevoir un produit accessible ?

Comprendre les différentes manières d’utiliser son produit

L’une des notions clés pour créer un produit accessible est de comprendre que les personnes en situation de handicap ne vont pas naviguer de la même manière. Des technologies d’assistance sont généralement utilisées pour les accompagner. Ce sont des outils ayant pour but de faciliter l’intégration des personnes en situation de handicap. L’objectif de ces technologies est de maintenir ou améliorer l’autonomie de leurs utilisateurs et utilisatrices. Parmi les technologies d’assistance les plus utilisées pour faciliter l’accessibilité numérique, on retrouve par exemple :

  • La synthèse vocale : Ces outils vont lire tout le contenu qui s’affiche à l’écran. Afin de naviguer l’utilisateur va utiliser son clavier afin de passer sur les différents éléments. Pour que cela fonctionne de manière optimale, il est donc crucial que le code HTML soit bien structuré et que les actions (clic sur les CTA) puissent se faire via le clavier. A noter qu’une image seule ne peut pas être interprétée vocalement, d’où l’importance des balises Alt qui sont là pour décrire les images.
  • Lecteur Braille : Les outils de synthèse vocale peuvent être accompagnés d’un lecteur braille qui va afficher le contenu en caractères Braille.
  • Puff and sip : Ce système est utilisé pour les personnes ayant un handicap moteur dont l’usage d’autres technologies d’assistance est difficile voire impossible. La navigation sur l’ordinateur se fait alors via le souffle.

En plus de ces trois exemples, les personnes en situation de handicap peuvent avoir recours à des fonctionnalités natives proposées par la majorité des devices : Le « pinch to zoom » (agrandissement en pinçant l’écran) ou le changement de typographie par défaut par exemple.

Mais ces outils et fonctionnalités ne font pas tout car il faut que les produits soient compatibles à ces technologies d’assistance. Ce sont des problématiques qui doivent être pensées en amont de phase, dès la conception. Il est en effet plus simple de créer un produit accessible dès le départ que de le rendre accessible par la suite.

Les normes d’accessibilité pour guider la conception

Le W3C (World Wilde Web Consortium) a mis en place une norme internationale en matière d’accessibilité : le WCAG (Web Content Accessibility Guidelines). Ces guidelines ont été définies par des personnes du monde entier dans le but de fournir un standard commun et unique.

Le WCAG est composé de 13 règles classées dans les 4 catégories suivantes :

  • Perceptible
  • Utilisable
  • Compréhensible
  • Robuste

Ces règles sont chacune associée à des critères de succès allant d’un niveau A à AAA. Pour qu’une page web justifie d’un niveau AA par exemple, elle doit respecter tous les critères de succès associés à ce niveau.

De nombreuses normes d’accessibilité existent en fonction des pays et de leurs niveaux d’exigences mais elles s’appuient généralement beaucoup sur le WCAG.

En France, on a le RGAA (qui s’appuie sur l’article 47 de la loi du 11 février 2005. Comme mentionné plus haut, cela concerne les organismes publics et les entreprises privées dépassant 250 millions d’euros de chiffre d’affaires. Ceux-ci doivent valider les 106 critères du RGAA qui correspondent aux niveaux A et AA de la norme WCAG.

Au Etats Unis, la loi ADA ne détaille pas un niveau précis d’accessibilité numérique attendu. Mais on cherche généralement à atteindre le niveau AA voire AAA.

Quelques bonnes pratiques à mettre en place

Afin de rendre un produit accessible, il est conseillé de faire un audit complet en s’appuyant sur des normes existantes. On peut aussi faire appel à des entreprises spécialisées en accessibilité numérique. En plus de l’audit, des consultants pourront fournir des recommandations complètes à appliquer.

Mais si vous voulez faire un premier pas vers l’accessibilité, voici quelques bonnes pratiques à suivre :

  • Ajouter des balises alt exhaustives pour toutes les images contenant des informations
  • Proposer des sous-titres pour toutes les vidéos
  • Veiller à avoir un contraste suffisant pour que les textes soient lisibles
  • Pouvoir différencier graphiquement un texte d’un lien
  • Ne pas avoir de contenus en auto-play ou pouvoir facilement les mettre en pause

Comment rendre mon produit plus inclusif ?

Le Design Inclusif

Le design inclusif est un processus de création qui, comme son nom l’indique, vise à inclure tout le monde indépendamment de leur genre, orientation sexuelle, origine, religion, handicap, âge ou tout autre discrimination.

Mais concrètement, ça ressemble à quoi ?

  • Les emojis sont en constante évolution pour devenir de plus en plus inclusifs. Couleurs de peaux différentes, handicap physique et mental, nouveaux drapeaux… C’est l’exemple le plus parlant de design inclusif.
  • Les Phryges : Mascottes des Jeux Olympique de Paris 2024, même si elles ont beaucoup fait parler, sont des bons exemples d’inclusivité. Ce sont des personnages non genrés qui mettent au même plan les jeux olympiques et les jeux paralympiques.
  • Tefal et sa gamme Includéo apporte des solutions ergonomiques au plus grand nombre. Cette gamme de produits est inspirée de la diversité qu’on retrouve dans notre société afin de proposer des produits simples d’utilisation et accessibles à tous.
  • Microsoft met au cœur de son processus créatif la question de l’inclusion. L’entreprise cherche à déployer ses solutions au plus grand nombre de personnes en pensant à un maximum de cas d’usage.

L’UX Writing

L’UX Writing va jouer un rôle crucial pour l’inclusivité d’un produit numérique. Son but est d’accompagner les utilisateurs et utilisatrices dans leur parcours sans émettre de jugements ou de suppositions. Pour cela, plusieurs points sont à prendre en compte :

  • Adopter une navigation simple avec un contenu hiérarchisé et en respectant les codes déjà en place (panier en haut à droite, pictogramme loupe pour la recherche…).
  • Prévoir des messages d’erreur le plus clair et précis possible afin d’éviter le doute et les frustrations
  • Repenser ses formulaires pour limiter les champs obligatoires pouvant être excluants. On pense notamment au champ « Civilité » qui ne prend pas en comptes les personnes non-binaires. Ce champ peut facilement devenir optionnel, être supprimé ou avoir une option “Neutre”.
  • Eviter le jargon et les phrases trop longues. C’est un standard dans l’écriture web mais cela rend également les contenus accessibles au plus grand nombre.

L’écriture inclusive

L’écriture inclusive c’est un ensemble de règles permettant une forme d’écriture neutre. Son objectif est de réduire les inégalités entre les genres au sein de l’écriture. On parle beaucoup d’écriture inclusive en France car le français est une langue très genrée (noms, accords des adjectifs…) en comparaison à d’autres langues comme l’anglais qui sont plus neutres.

Quand on parle d’écriture inclusive, on pense souvent au point médian qui est la source de beaucoup de débats. En effet le point médian permet de rendre visible les femmes, les hommes et les minorités de genres (utilisateur·rice). Mais ce n’est pas la seule manière d’adopter l’écriture inclusive. On peut par exemple…

  • Doubler les genres plutôt qu’utiliser uniquement la forme masculine (utilisateurs et utilisatrices).
  • Utiliser des mots épicènes pour englober tout le monde (humains plutôt qu’Homme).
  • Genrer les noms au féminin quand on parle des femmes (cliente, autrice, médecine…). Voire genrer à la majorité plutôt qu’au “masculin qui l’emporte sur le féminin”
  • Utiliser l’accord de proximité, tel qu’utilisé durant des siècles avant que la règle ne soit supprimée par l’Académie Française au 17e siècle. Par exemple « les hommes et les femmes sont belles » : on accorde avec le nom le plus proche.

Ce sont quelques règles qui peuvent être misent en place assez naturellement (c’est le cas dans cet article, tu t’en es rendu compte ?) et permettent d’inclure tout le monde.

Au-delà des normes et bonnes pratiques

Une phase d’UX Research qui n’exclut personne

Les normes et la sensibilisation sont des bons outils pour aller vers un produit plus accessible et inclusif mais cela ne fait pas tout. On parle beaucoup d’empathie en user research, on va imaginer les besoins de notre cible. « Se mettre à la place de ». Le problème est que cette démarche est forcément biaisée. Lorsqu’on ne vit pas une situation au quotidien on ne peut pas imaginer ce que quelqu’un ressent. Tester son produit via une technologie d’assistance n’est pas comparable à naviguer au quotidien avec ces outils. De la même façon, une personne non concernée ne peut pas comprendre les oppressions qu’une femme, personne transgenre ou personne racisée peut ressentir en se promenant dans la rue de nuit.

Si on souhaite créer un produit réellement accessible et inclusif, il est donc important de commencer par avoir un panel représentatif dès la phase d’UX Research. Cela permet de prendre en compte les besoins de tous dès la phase de Product Discovery.

Une organisation plus accessible et inclusive

L’inclusivité et l’accessibilité doivent se réfléchir également au-delà du produit. Qu’est-ce que ton entreprise fait en interne pour favoriser l’accessibilité et l’inclusivité ? Est-ce qu’il y a des personnes en situations de handicap dans ton équipe ? Des personnes d’âge, de genre ou d’origines sociales différentes ? Tout au long de cet article on a parlé de réfléchir à un panel d’utilisateurs et utilisatrices plus large et de penser à ces questions dès les débuts de la conception. Mais l’origine c’est l’organisation en elle-même. Ce serait très paradoxal (et pourtant, cela arrive régulièrement) de chercher à concevoir un produit accessible et inclusif dans une équipe composée d’hommes blancs ou alors au sein d’une entreprise qui ne rémunère pas les hommes et les femmes à la même hauteur.

Plusieurs choses peuvent être mises en place par les entreprises pour être plus inclusives. Ceci n’est pas une liste exhaustive mais quelques idées à avoir en tête :  

  • Rester flexible sur les horaires de travail et jours de présence peut grandement faciliter le quotidien des jeunes parents ou de personnes avec des troubles de l’attention par exemple.
  • Être plus transparent sur les grilles de salaires et s’assurer que les femmes occupent des postes à responsabilité. C’est une vérité, les hommes ont plus tendance à négocier leurs salaires que les femmes. C’est donc le devoir des entreprises qui veulent être plus inclusives de s’assurer que tout le monde est rémunéré à sa juste valeur.
  • Proposer des postes aménagés aux personnes en situation de handicap.
  • Mettre en place des OKR liés à l’inclusivité et l’accessibilité. Plus d’excuse ensuite pour ne plus inclure ces réflexions dans le Product Life Cycle et pour ensuite en faire découler des personae plus inclusifs.

Ce qu’il faut retenir sur l’Accessibilité et l’Inclusivité dans la conception d’un produit

  • L’inclusivité et l’accessibilité sont étroitement liées et servent les mêmes objectifs.
  • Ne pas rendre son produit accessible et inclusif, c’est exclure une grosse part de la population et donc perdre des utilisatrices et utilisateurs potentiels.  
  • Il y a des réglementations qui encadrent l’accessibilité numérique et des sanctions peuvent tomber si celles-ci ne sont pas respectées.
  • Ces règlementations sont aussi accompagnées de normes pour faciliter leur application.
  • Ce n’est jamais terminé ! C’est un process qui doit être présent tout au long du cycle de vie du produit et arriver dès la phase de UX Research.

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