Le pragmatisme au service du Product Manager

Product Discovery

Camille

Product Owner

Pragmatisme ou académisme ? En tant que Product Manager, il est primordial de s’interroger constamment sur la portée de nos réalisations, avec ces deux questions sous-jacentes : « Vais-je apporter de la valeur à l’utilisateur final ? », « Quel problème viens-je résoudre en développant telle fonctionnalité ? ».
Développer une fonctionnalité pour satisfaire le top management ou parce que nous croyons que c’est l’attendu ne mène souvent qu’à des décisions court-termistes, loin de servir les utilisateurs finaux et le produit dans son ensemble. Manquer de pragmatisme occasionne ainsi perte de temps, démotivation des équipes techniques et développement de fonctionnalités parfois coûteuses, mais peu ou pas utilisées par les utilisateurs.

Qu’est-ce que le pragmatisme

Le pragmatisme : un état d’esprit

Le pragmatisme est avant tout un état d’esprit. Un Product Manager pragmatique ne cherche pas la fonctionnalité parfaite, le backlog irréprochable, la plus grande vélocité, le respect au pied de la lettre de l’ensemble des rituels agiles. Il veille à travailler de façon itérative, en développant progressivement des fonctionnalités qui répondent concrètement à un besoin utilisateur. Un Product Manager pragmatique travaille en « test and learn ». Ainsi, plutôt que de perdre du temps à designer la fonctionnalité parfaite, il est dans une logique d’amélioration continue, il itère et teste, afin de perfectionner constamment son produit.  

Pourquoi est-il important d’être pragmatique en tant que Product Manager ?

Le rôle du Product Manager est de créer des fonctionnalités qui apportent de la valeur à l’utilisateur final et simplifient le produit.  

Une fonctionnalité complexe, non utilisée par les utilisateurs, et que les équipes techniques passent du temps à développer est inutile et décourageante pour les développeurs. Les équipes techniques peuvent alors avoir le sentiment que le produit n’a pas de vision claire et que les fonctionnalités sont développées de façon arbitraire.

Ainsi, les qualités principales d’un Product Manager pragmatique sont les suivantes :  

  • Son humilité : le Product Manager ne part pas du principe que toutes ses idées sont bonnes. Il teste ses idées et s’appuie sur la data et l’analyse du comportement utilisateur pour valider ou invalider ses hypothèses.
  • Son adaptabilité : le Product Manager s’adapte à son produit, à ses équipes et à ses utilisateurs. Il n’applique pas des recettes miracles sans tenir compte de son environnement, mais s’adapte aux spécificités de son produit.
  • Sa flexibilité : le Product Manager ne veut pas faire du produit « by the book ». Il met les outils et les rituels au service du produit et de son équipe, et non l’inverse. Ce n’est pas le produit qui doit venir servir la méthodologie agile, mais bien l’agilité qui vient en renfort du produit pour gagner en efficacité.  

Et en tant que consultant Product Manager ?

Le Product Manager consultant doit faire preuve d’encore plus de pragmatisme, car il est confronté à un nombre d’interlocuteurs divers et doit pouvoir répondre aux demandes de son client.
Cela peut conduire à une relation déséquilibrée où le Product Manager n’ose pas s’opposer ou challenger les souhaits du sponsor, même si ceux-ci sont déconnectés du Produit, des équipes, et ne servent pas la rentabilité finale. Dans ce cas-là, le Product Manager tombe dans l’académisme et devient « Chef de Projet », plutôt que « Chef de Produit ». Son souhait est alors de contenter son client et non son utilisateur final, quitte à développer des fonctionnalités coûteuses, non testées et inutiles.

Ainsi, le Product Manager doit redoubler de vigilance et instaurer une relation de partenariat avec son client : il doit accompagner ses souhaits, tout en les challengeant et en mettant en avant l’importance de la vérification de chaque hypothèse produit. Il doit être en mesure de creuser chaque demande et d’amener le sponsor à s’interroger sur leur pertinence.

Appliquer le pragmatisme en tant que Product Manager

Les bonnes questions à se poser

Afin de s’assurer que chaque décision prise en tant que Product Manager est pragmatique, voici les bonnes questions à se poser :  

  • Quel problème utilisateur vais-je résoudre en développant cette fonctionnalité ?
  • Cette fonctionnalité simplifie-t-elle ou complexifie-t-elle mon produit ?
  • Cette fonctionnalité s’inscrit-elle dans une vision long-termiste de mon produit ?
  • Cette fonctionnalité est-elle en accord avec la stratégie et la vision produit ?
  • Comment puis-je m’assurer que cette fonctionnalité répond à un besoin utilisateur ?

Pour répondre à cette dernière question, il est primordial de s’appuyer sur la data et sur les tests utilisateurs.  

Être orienté data et « Test and learn »

S’appuyer sur des justifications chiffrées est primordial avant de développer une fonctionnalité.
Ainsi, il est nécessaire de sous-tendre ses développements par la data et par des tests utilisateurs pour valider ou invalider ses hypothèses. Les outils ou techniques suivants permettent de mieux contrôler son activité :  

  • Traquer les comportements utilisateurs : google analytics, lookers studio, tableau.
  • Comprendre les attentes utilisateurs : conduire des entretiens utilisateurs qualitatifs, mettre en place un « Hotjar ».
  • Tester différentes versions d’une fonctionnalité / d’un parcours utilisateurs : maze, A/B testing.

Par exemple, une marque de prêt-à-porter veut tester la pertinence de la fréquence d’envoi de ses newsletters (quotidien / hebdomadaire / mensuel / à chaque nouveauté). Voici comment pourrait s’articuler l’utilisation de la data et des tests utilisateurs autour de cette problématique :  

  • Mesurer le KPI taux de conversion : le pourcentage d’ouverture de newsletters sur le nombre d’envoi total.
  • Faire une heat map au sein de la newsletter : le pourcentage d’utilisateurs cliquant sur tel ou tel lien.
  • Identifier le pourcentage de désinscriptions aux newsletters et les motifs de désinscription, fondés sur du déclaratif : « je reçois trop d’emails », « le contenu ne m’intéresse pas »…
  • Faire un « Hotjar » sur le site de la marque : questionner les utilisateurs sur leurs attentes concernant la newsletter et leur fréquence de réception favorite.  

Être pragmatique au quotidien

Le pragmatisme d’un Product Manager se traduit dans ses tâches quotidiennes, et notamment à travers les éléments suivants :  

  • La roadmap : une roadmap pragmatique est une roadmap évolutive, flexible, qui n’est pas gravée dans le marbre, mais reste une aide plutôt qu’une contrainte. C’est une roadmap simple, compréhensible en un coup d’œil, et qui traduit l’alignement entre vision et stratégie produit. Ce n’est pas une roadmap extrêmement détaillée et idéalisée, mais une roadmap faite en concertation avec les équipes techniques et les équipes dirigeantes. Par ailleurs, une roadmap pragmatique n’est pas une roadmap stricte sur les deadlines : c’est une roadmap flexible qui s’adapte aux urgences et à la conjoncture. Un bon test pour savoir si une roadmap est vraiment pragmatique est la fréquence à laquelle elle est consultée et modifiée : si vous construisez une roadmap que vous ne regardez qu’une fois par mois et que vous ne modifiez jamais, c’est sûrement que cette roadmap est éloignée de la réalité de votre produit.
  • Le backlog : construire un backlog idéal avec des user stories parfaites et ultra-détaillées, irréalisables mais qui font plaisir à votre sponsor n’est pas pragmatique. Un backlog pragmatique est un backlog régulièrement actualisé, avec des tickets itératifs et bien découpés, permettant d’accomplir chaque grosse fonctionnalité progressivement (et non en une fois).
  • Les rituels agiles : ils doivent rester au service du Produit et non l’inverse. Les rituels agiles, appliqués de manière académique, sans prendre en compte les spécificités produit et de l’équipe, peuvent vite devenir un cadre rigide contraignant, source d’inefficacité. Ils sont censés être utilisés comme des facilitateurs de communication et de transparence pour l’ensemble de l’équipe. S’interroger sur l’utilité de chaque rituel agile, sur sa valeur ajoutée pour l’équipe est un bon moyen de juger de leur pertinence, afin d’estimer s’il s’agit d’une perte de temps ou d’une vraie aide pour chacun.  

Quels sont les écueils à éviter en tant que Product Manager ?

Être complaisant face à tous ses interlocuteurs

Le Product Manager est la clé de voute d’une équipe produit : il est l’interlocuteur privilégié des équipes techniques, des équipes dirigeantes, des équipes métiers. Ainsi, il est soumis à un grand nombre de requêtes et doit savoir faire preuve de fermeté et de direction, face aux idées qui lui sont proposées. Le Product Manager doit avoir pour objectif de développer des fonctionnalités avec de la valeur, et non de contenter tous ses interlocuteurs. C’est avec cette optique que le Product Manager doit écouter les demandes de chacun, donner de la direction et challenger les requêtes qui lui sont soumises.  

Mettre le produit au service des outils

Les outils de Product Management (backlog, roadmap, workflow jira, board miro…) doivent être au service du Produit et non l’inverse. Ils ne sont pas censés apporter plus de complexité au traitement des informations, mais venir au contraire simplifier et fluidifier la communication. Par ailleurs, la collaboration interpersonnelle ne peut être remplacée par des commentaires dans un ticket Jira ou par des pages Confluence récapitulatives : il est primordial pour le Product Manager de garder en tête que son rôle est de coordonner et donner une vision produit à tous ses collaborateurs, ce que les outils ne peuvent faire à sa place.  

Chercher la perfection plutôt que la réalisation

L’un des plus gros écueils du Product Management est la recherche de la perfection dans chaque fonctionnalité, dans chaque rituel, dans la rédaction de chaque ticket et dans l’élaboration de la roadmap. Cela donne lieu à :  

  • des concertations extrêmement longues pour être sûr d’arriver à un résultat parfait, qui sont une perte de temps pour l’équipe
  • des fonctionnalités irréalisables et démotivantes pour les équipes
  • une potentielle déception du sponsor, qui ne voit pas concrètement l’avancée de l’équipe

La recherche de la perfection donne ainsi lieu à une forme d’inertie, et inhibe les équipes produit, qui ont peur d’être dans l’action, par crainte de se tromper.  

Lorsqu’un Product Manager est orienté réalisation, il recherche avant tout à fonctionner de façon itérative, à tester et à apprendre de ses potentielles erreurs. Il prend des risques et reste dans le concret.  

Pour conclure, le pragmatisme permet au Product Manager de :

  • Gagner en efficacité
  • Délivrer de la valeur à l’utilisateur final
  • Etre dans l’action plus que dans l’idéalisation
  • Tester et apprendre de ses erreurs
  • S’améliorer de façon continue
  • Motiver ses équipes

Afin d’être pragmatique en Product Management, il est important de garder en tête les guidelines suivantes :

  • Simplifier plutôt que complexifier
  • Savoir dire non pour le bien du produit
  • Challenger les requêtes de chacun en se demandant toujours : « est-ce que cette fonctionnalité répond à un besoin / problème utilisateur ? » « Quelle est la valeur ajoutée de cette fonctionnalité ? »
  • Tester ses hypothèses par la data et les tests utilisateurs
  • Être proactif et ne pas être passif face aux rituels et aux outils
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